Sa sainte humilité

Première pierre de son Ordre et son ardente Nourricière et gardienne, désireuse de former les jeunes filles

À l’ardeur des vertus, humble, en mère prévoyante, c’est ce joyau de la vertu1 qu’elle place en tête de l’enseignement moral : C’est lui qu’elle cultive, qu’elle souhaite que ses sœurs revêtent. De cette vertu, comme d’une racine bienheureuse, fleurissent de saintes plantations dans ses sentiments.

C’est elle2 qui fonde les autres vertus, les colore, aux dons adapte les esprits et leur donne la capacité de les accueillir; Elle qui, se souvenant de la chute de l’homme, en hysope3 de l’esprit purifie4 les sentiments de l’âme et chasse l’arrogance; Elle qui, telle l’amie spéciale de l’Époux suprême,

siégeant dans l’esprit de la vierge et brillant en ses actes, lui suggère, bien qu’elle soit première dans l’Ordre, de mépriser la primauté et de refuser d’être appelée maîtresse5. Elle accepte à contrecoeur, sur ordre de François6, le poids de la charge, le soin et le gouvernement des soeurs7.

Elle ne montra cependant en cette charge nulle pesanteur, n’en tira nulle superbe; au contraire, la supérieure sert les siennes; par son ministère, la vierge est moindre et modèle des mineures8. Retenant l’exemple du Seigneur et maître suprême9, elle ne demande pas à être servie : elle est prête à servir10.

En ses mœurs comme en un miroir, chaque jeune fille apprend à ne pas se mettre au-dessus de sa sœur, mais plutôt que la plus grande doit s’appliquer à servir la plus petite11 et que la plus grande doit être vénérée, honorée en esprit par la plus petite. C’est ce qu’elles lisent en leur mère; elles répètent l’exemple de la maîtresse.

Serviable à l’excès, bien souvent la mère verse l’eau sur les mains des sœurs et sert debout ses compagnes assises. Sans fuir la saleté ni s’horrifier de la puanteur, la vierge lave les malades et nettoie leurs sièges repoussants de saleté; Après avoir lavé les pieds des servantes12, elle y applique des baisers.

Je ne veux d’ailleurs pas taire un fait mémorable. Une fois qu’elle inclinait le visage sur les pieds d’une servante, la servante, stupéfaite, ne le souffrit pas, retira le pied et, en le retirant, frappa se dame à la bouche. Elle le supporta d’un visage joyeux; en le caressant, la vierge reprit le pied de la servante, à la plante y imprimant aussitôt des baisers13.

Extrait de la Légende versifiée de Claire

  1. L’humilité, «fabrique de toutes les vertus», conformément à la tradition monastique (LLCl 8, 12).
  2. Toujours l’humilité.
  3. L’hysope, qui pousse dans les anfractuosités des murs, est fréquemment dite «humble herbe» dans la littérature médiévale. Voir HA IV 208.
  4. Voir Ps 50 (51) 9.
  5. Voir Mt 23 8.
  6. À qui elle a promis obéissance, (selon LLCl 8, 12).
  7. En 1214, cela se produisit trois ans après sa conversion. Le poète ne donne jamais à Claire le titre d’«abbesse».
  8. On pourrait aussi comprendre que Claire est «moindre que son ministère». Ce vers, qui joue sur «minor» («moindre», «plus petite», «mineure»), emprunte l’expression «modèle des mineures» à OJS II : François y est qualifié de «forma minorum», à entendre à la fois comme «modèle des (Frères) mineurs» et «modèle des plus petits, des humbles», ce qui vaut également ici pour Claire. Enfin, un dernier ses peut être suggéré : Claire est un vrai [frère] «mineur» et «modèle des Mineurs».
  9. Voir Jn 13 15, 1P 2 21.
  10. Voir Lc 22 26-27; Mt 20 28.
  11. À table.
  12. En latin, ici et ci-dessous, «famula». En latin classique, patristique et médiéval, la «familiaris» est à la fois le «serviteur», le «domestique», l’«esclave», mais aussi le «familier», l’«ami». En revanche, le «famulus» est exclusivement le «serviteur», l’«esclave» et la «famula» la «servante», la «suivante» ou l’«esclave». Il s’agit ici d’une des femmes qui servent dans la communauté, (évoquées en RegHug 4 et RegCl 3 10, 5 1 et 9 11).
  13. D’après le procès de canonisation, l’événement peut être situé un jeudi entre 1220 et 1224..

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